LE SPECTACLE DE LA CULTURE, Alain Babadzan
Quelle coïncidence, alors que je viens de me fourvoyer en publiant des articles concernant la culture, le nationalisme, la xénophobie, je viens de recevoir ce livre écrit par mon ami Alain BABADZAN... Je ne suis pas un spécialiste de la chose et je vais m’empresser de le lire. Vos remarques seront les bienvenues...
Présentation de l'éditeur
Dans tout le Pacifique Sud, la réhabilitation actuelle des traditions, longtemps stigmatisées, s'exprime par des mises en spectacle ritualisées donnant à voir la culture en tant que symbole d'identité nationale. L'auteur montre que la sacralisation de la " Coutume " (kastom) par les États de la région, loin de représenter une forme de résistance à la mondialisation, est une des traductions de la planétarisation du rapport occidental à la culture. La célébration nationaliste des cultures traditionnelles, désormais officialisée en idéologie d'État, est mise au service de la légitimation de rapports sociaux et politiques proprement modernes. L'auteur étudie le cas des traditionalismes postcoloniaux de Mélanésie aussi bien que le dossier de la " renaissance maorie " et de la crise du biculturalisme en Nouvelle-Zélande. Il replace la question des " politiques de la tradition " dans le Pacifique dans le cadre interprétatif de l'anthropologie du nationalisme comme de l'anthropologie religieuse, en examinant notamment le recours aux ressources spécifiques de l'activité rituelle dans la sacralisation de la culture et la construction de nouvelles formes d'identifications collectives. L'ouvrage invite ainsi à une réflexion renouvelée sur l'occidentalisation du monde, les conditions de la permanence et de la résistance culturelles, mais aussi sur les discontinuités majeures instaurées par les transformations actuelles du rapport à la culture.
Biographie de l'auteur
Alain Babadzan, né à Paris en 1953, est professeur d'ethnologie à l'université Montpellier III et membre de l'Institut universitaire de France. Ses recherches ont porté sur les syncrétismes religieux, les cultes et les objets rituels en Polynésie, et sur l'anthropologie des nations. Il est l'auteur de " Naissance d'une tradition " (Paris, ORSTOM, 1982) et des " Dépouilles des dieux " (Paris, MSH, 1993).
Un extrait :
L'INVENTION DES TRADITIONS ET LE NATIONALISME
Avec le socialisme et le libéralisme, le nationalisme est une des idéologies politiques majeures de la modernité occidentale. Son apparition dans les sociétés du Pacifique Sud ne correspond évidemment pas plus qu'ailleurs au réveil de nations longtemps opprimées à la conscience d'elles-mêmes. Elle est au contraire la traduction d'un processus de modernisation économique, politique et culturelle qu'il est urgent que l'anthropologie réinterroge en relation avec l'acquis des études sur le nationalisme.
Il me paraît en effet utile de présenter les enjeux des controverses théoriques sur l'« invention des traditions », qui à bien des égards sont homologues à ceux des débats sur l'ethnicité en Océanie. J'aborde ensuite la question des ruptures et des continuités entre les productions culturelles prémodernes et les traditions inventées, en réexaminant au passage le sens à donner à la notion de traditionalisme, avant d'atteindre le cœur de l'argument et de caractériser tout ce que doit à la modernité le rapport nouveau à la culture et aux traditions instauré par les nationalismes culturalistes. J'espère que ce détour par l'examen de faits culturels proprement occidentaux permettra de donner sens à un ensemble de phénomènes locaux que l'anthropologie n'a été que trop souvent tentée d'interpréter comme l'affirmation d'une spécificité et la revendication d'une différence.