LE SERVICE MILITAIRE (12)
(code recherche : SOUMIL)
Je reprends le classement des lettres à ma mère pendant mon service militaire qui a quand même duré 5 ans. Surprenant pour un gars qui n'est pas très militariste (même pas du tout) ; mais que ne ferait-on pas par amour ?
La suite risque de devenir "routine" mais je relève quelques impressions et quelques anecdotes notables.
"J'aime mieux une pensée fausse qu'une routine vraie" (Émile Chartier dit Alain)
XII - Routine et prise de conscience
Je deviens un petit employé modèle : boulot, vespa, dodo... et sorties nocturnes moins fréquentes. Ma vahine travaille, elle a un solex, elle s'occupe du fare. Le fare est à Pirae, chemin de l'hippodrome à un kilomètre du camp d'Arue. Tous les midis, si je ne suis pas de service, je viens manger et ... au fare.
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Je reprends comme précédemment les lettres écrites à ma mère.
Le 02/09/1965
"Chère maman,
... les copains ont profité de mon absence pour me siffler le pastis, mais c'est de bonne guerre. Le pastis étant interdit à Tahiti, nous avons récupérer des extraits sur un bateau de Marseille et nous le faisons soit avec du gin, de la vodka ou du rhum blanc. Il est excellent et ne nous revient pas cher (la bouteille de rhum blanc coutant 600 francs français (anciens francs)..."
Le 14/09/1965
Je demande à ma mère de m'envoyer mes disques par petits colis mensuels...
Le 13/10/1965
"... Ici, j'ai ce qu'il me faut et je ne manque de rien (à part de la pintade et du rosé celleneuvois, bien sur !)... Mon colocataire étant parti travailler à Hao, j'ai loué sa part du "Faré" à un copain nouvellement libéré et travaillant comme civil au C.E.P. ; c'est un grand amateur de "chanteurs de blues" et un excellent guitariste (Jean-Paul, si tu me lis, téléphones-moi)...
... Mon rêve, après l'armée, c'est de travailler dans un district de Tahiti ou dans une île où il n'y a pas le CEP..."
Le 21/10/1965
"... Les difficultés au travail viennent du fait que mon lieutenant chef de service est parti et que son remplaçant n'est pas encore arrivé, alors les autres en profitent pour semer la pagaille chez nous. Toujours la même histoire..."
Le 26/10/1965
"... Pour moi l'armée, c'est 1.500 engins et véhicules à comptabiliser quotidiennement ; pour mon chef de section, c'est un peu de poussière sur les armoires de la chambre dont je suis responsable..."
Le 16/11/1965
"... Je me demande ce que feraient les français s'ils savaient où passe leur pognon..." (sans commentaires)
Le 07/12/1965
"... Dimanche dernier, il y avait des élections : petits drapeaux, robes blanches et grand chapeaux de paille, tout le folklore, quoi ! Moi, pour pas manquer à la tradition, je suis allé à la pêche. Résultats : pas de poisson, 80% des voix pour 2 Gaulle, 30% d'abstentions.
Dans ta dernière lettre, tu me parlais de "choucroute" et de "petit colis de remède". Faute de remède, j'accepterais bien de la choucroute dans un bocal, ainsi que : pintades, pâté de grives, saucisson aux poivre, civet de lapin, etc... Je ne cracherai pas non plus sur quelques bonnes bouteilles de "coteaux celleneuvois" (ces coteaux que j'ai maintes fois parcourus et sur lesquels je retournerai un jour pour ne plus les quitter)..." ("Quand rêverai-je hélas, de mon petit village, / Fumer la cheminée...", une larme...)
(Celleneuve 1950, ma maison natale 2ème à partir de la droite)
Le 14/12/1965
"... Demain, on a la visite de quelques généraux qui viennent se balader à Tahiti avec le pognon des contribuables. La semaine dernière, c'était 2 colonels. Enfin ce qui me console, c'est de voir que certains en profitent et que tout n'est pas gaspillé..."
Le 28/12/1965 (ma dernière lettre de 1965, j'hésite mais je vais quand même vous la passer en entier)
"... Tout d'abord Noël, pour moi des congés comme les autres qui se sont passés assez tristement.
Le 24, le colonel avait décrété présence obligatoire de tous les militaires jusqu'à minuit ; tu parles ! cela a été assez mal reçu surtout de la part des s/officiers qui ont leur famille et leurs enfants ici. Bien sur, plusieurs ne sont pas venus, mais ça a jeté un froid. Nous, nous étions consignés du matin jusqu'à minuit, moi comme je ne travaillais pas l'après-midi, je suis sorti à midi, revenu à 22 heures et retourné chez moi à minuit (en plus, chez moi, il y avait "maman Noël", mais je ne le raconte pas à ma mère). Le 25, congé ---> pluie toute la journée, je suis resté au lit (avec maman Noël ) et j'ai écouté des disques ; j'ai mangé un ail avec un crouton de pain et du sel (je tiens cela de mon grand-père du Lot). Le 26, de garde au port du matin 7 h au lundi matin 7 h, , l'après-midi il a fait beau, je me suis baigné dans le port. Voilà le programme pas tellement marrant.
En plus de ça, le soir de Noël, j'ai été obligé de me mettre en tenue de sortie militaire ; c'était la première fois que je m'y mettais depuis que je suis revenu à l'armée : pantalon trop grand, chemise usée, épaulettes, écussons et fourragère empruntés à un ami qui était à l'infirmerie et galons absents parce qu'introuvables. Comme cadeau de Noël de la légion, surprise... une tenue de sortie en tergal (moi qui ne la mets jamais!). Sur le moment, je pensais la retailler pour en faire une chemise manches courtes et un short pour le travail (la seule tenue militaire que je mets quotidiennement). Puis ce matin, un gars m'a proposé de me l'échanger contre une montre qu'il avait eue comme cadeau, j'ai accepté. C'est une joli montre fabriquée sous patronage légion à Puyloubier (maison de retraite de la légion), 19 rubis, 2 ans de garantie. Je vais essayer de la changer au Foyer... "
Plus qu'un an à tirer (et 3 ou 4 épisodes de mon service militaire).
à suivre ....