CONSEIL TENU PAR LES RATS
Fable : JEAN DE LA FONTAINE :
CONSEIL TENU PAR LES RATS, II, 2 (*)
Un Chat, nommé Rodilardus (1),
Faisait de Rats telle déconfiture (2)
Que l'on n'en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son soû (3);
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
Non pour un Chat, mais pour un Diable.
Or, un jour qu'au haut et au loin
Le Galand alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat (4) qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité (5) présente.
Dès l'abord, leur Doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu'ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis ils s'enfuiraient sous terre ;
Qu'il n'y savait que ce moyen.
Chacun fut de l'avis de Monsieur le Doyen ;
Chose (6) ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d'attacher le grelot.
L'un dit : Je n'y vas (7) point, je ne suis pas si sot ;
L'autre : Je ne saurais. Si bien que sans rien faire
On se quitta. J'ai maints chapitres vus,
Qui pour néant se sont ainsi tenus :
Chapitres, non de Rats, mais chapitres de moines,
Voire chapitres de chanoines.
Ne faut-il que délibérer,
La cour en conseillers foisonne ;
Est-il besoin d'exécuter,
L'on ne rencontre plus personne.
(*) source :
Abstémius (humaniste latin, XVIème) recueilli dans l'ouvrage de Névelet "Des rats voulant mettre une sonnette au chat". Avant Abstemius, l'apologue était déjà connu : Eustache Deschamps
(1346-1406) en avait fait le thème de sa ballade.
L'expression "attacher la sonnette" ou comme ici "le grelot" était proverbiale
(1) le nom se trouve chez Rabelais et signifie rongelard
(2) au XVIIème, le mot signifiait "déroute générale d'une armée"
(3) graphie conservée, nécessaire pour la rime (soûl)
(4) grand bruit
(5) la famine
(6) rien ne...
(7) je n'y vais...(courant au XVIIème)
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Merci Jacques pour
cette excellente fable,
Je retiens avant tout les quatre derniers
vers.
A la première occasion, je m'en servirais
Pour dénoncer cette cour de courtisans pervers
Dont le seul souci est leurs fastes nous faire payer.
Taram