JEAN-PAUL MARAT (23)

Publié le par N.L. Taram

Jean-Paul Marat, les Chaînes de l'esclavage
Remplir les 1ères places de l'état d'hommes corrompus
 
 
Ouvrage destiné à développer les noirs attentats des princes contre le peuple ; les ressorts secrets, les ruses, les menées, les artifices, les coups d'état qu'ils emploient pour détruire la liberté, et les scènes sanglantes qui accompagnent le despotisme.

 

 

 
 
                                   
Remplir les premières places de l’état d’hommes corrompus.
(page 126 à 127)
 
 
 
Quand le peuple dispose des emplois, ceux qui les briguent font bien quelques bassesses pour les obtenir, toute fois ils ne sont guère accordés qu'au mérite. Mais lorsque le prince en dispose, on ne les obtient que par des voies indignes ; la flatterie, la prostitution, l'infamie sont des arts nécessaires pour y parvenir.
 
Les princes ne peuvent seuls renverser la liberté ; il leur faut des conseillers, des suppôts, des instruments de tyrannie : or ils ne confient l'exécution de leurs projets qu'à des hommes adroits, qu'à des fourbes sans probité, sans mœurs, sans honneur.
 
Pour mieux assurer la réussite de leurs desseins, quelquefois ils n'admettent que peu de têtes dans le cabinet.
Impatient d'assouvir sa rapacité, Henri VII appela au ministère Empson & Dudley, deux adroits scélérats, également versés dans la chicane, & bien qualifiés pour intervertir les formes de la justice, faire succomber l'innocent, & dépouiller le peuple sans défense.
Louis XI ne confia les premières places de l’État qu'à des hommes de néant ; il ne chargea de l'exécution de ses desseins ambitieux que des hommes prêts aux derniers forfaits.
Pressé de devenir absolu, Charles II remit la conduite des affaires à son conseil privé (1), où il n'admit qu'un petit nombre d'hommes entreprenants, perdus de réputation, & faisant gloire de leurs vices.
À voir les crimes dont se couvrent les ministres des princes ambitieux, que penser des princes eux-mêmes ?
 
 
Soustraire au glaive de la loi les coupables agents du pouvoir.
(page 127 à 128)
 
 
La faveur suffit bien pour faire des ministres zélés : mais ils n'osent tout entreprendre qu'autant qu'ils sont sûrs de l'impunité. Aussi les princes ont-ils soin de les couvrir de leur protection, ils les soustraient au glaive de la justice, ils les absolvent des crimes qu'ils ont commis, des crimes même qu'ils commettront encore.
En appelant le cardinal Wolsey au ministère, Henri VIII lui accorda un pardon général, conçu en ces termes :
« Le roi, de son propre mouvement & par faveur spéciale, » pardonne à Wolsey les trahisons, meurtres & attentats « quelconques qu'il a commis & qu'il pourra commettre. (2) »
Jacques I en accorda un pareil au comte de Sommerset, & Charles II au comte de Damby.
Que ne mit pas en œuvre Charles I, pour soustraire Strafford au bras de la justice ! D'abord il refusa de signer l'arrêt de sa condamnation ; ensuite il fit intervenir les prières, les larmes, les supplications ; puis il demanda que la sentence fut commuée en détention perpétuelle ; puis il demanda un sursis, & il ne céda enfin à la dure nécessite, qu'en frémissant.
Et Louis XV n'a-t-il pas arraché à la justice le duc d'Aiguillon, accusé d'avoir attenté aux jours du patriote Lachalotaye ?
 
 
Remplir les tribunaux de juges corrompus.
(page 128 à 130)
 
 
La liberté des peuples n'est établie que sur les lois : mais comme les lois ne parlent que par la bouche des juges, pour les rendre vaines, il faut établir des magistrats corrompus, ou corrompre ceux qui sont établis. C'est ce que font presque toujours les princes, pour devenir absolus.
Louis XI s'appliqua à remplir tous les départements de l'administration d'hommes nouveaux & d'hommes de basse condition, tous également dévoués à ses ordres.
Henri VII & Henri VIII ne nommèrent aux places de confiance que des avocats ou des prêtres qu'ils avaient à leur dévotion, & toujours prêts à sacrifier la nation à la couronne.
Sous Jacques I, la chambre étoilée, le conseil d'York, & la cour de (3) haute commission, tribunaux devant lesquels était évoquée toute cause importante, n'étaient composés que de créatures du roi.
Charles I corrompit les chefs de tous les tribunaux. Il fit plus : sous prétexte de faire rendre la justice, ce prince chargea, en 1633, l'archevêque de Canterbury & les autres membres de son conseil privé de régler les cours de justice. Ils devaient connaître de toutes les contestations qui s'élevaient sur la juridiction des tribunaux civils & ecclésiastiques : ils étaient autorisés à citer devant eux & juges & parties, à connaître des affaires, & à faire leur rapport au roi pour qu'il en ordonnât suivant son bon plaisir (4).
Après la dissolution du parlement de 1634, Charles I renvoya tous les gouverneurs de places, les lords-lieutenants des comtés, les magistrats & les juges de paix, pour mettre en leur place les Tories les plus dévoués.
Charles II suivit l'exemple de son père ; & cet exemple fut suivi par son fils. Jacques II alla même plus loin : le comité du parlement, chargé de rechercher ce qui s'était passé au sujet des prisonniers d’État, après avoir examiné les comptes de Graham & Burton, les deux vils solliciteurs de la couronne, trouva que depuis 1679 jusqu'en 1688, ils avaient reçu de l’échiquier 1100000 liv. st., qu'ils avouèrent avoir payées aux avocats, témoins, jurés, & autres personnes appelées au procès des infortunés qu'ils avaient poursuivis de par le roi, pour de prétendus crimes de haute trahison (5). On sait d'ailleurs que ce prince avait coutume de chambrer les juges, dans les cas d'importance.
 
-----------------------------------------------------------------------------------------(1) Ce conseil n'était désigné dans le publie que sous le nom de cabale.
(2) « That the king out of his mere motion and special favour, do pardon all and all manner of treason, misprison of treason, murders, and outrages what soever by the said Wolsey comitted or to be hercaft er comitted. » Macaulay's, Hist. of Eng.
(3) The high commission court.
(4) Whitlock. page 12, & Rym. fœd. Vol. XIX, page 280, etc.
(5) Rapin : Hist. d'Angl.

 

Source : https://books.google.fr/

Source : https://books.google.fr/

Scandaleux ! Mais ça a bien changé depuis :
- on ne dit plus « prince » mais « président »,
- on ne soustrait au glaive de la justice mais on fait traîner les dossiers pendant des années,
- ce n’est plus le roi qui pardonne, mais le peuple qui oublie (surtout le jour du vote),
- des juges corrompus ? Ah non, cela n’existe plus… Je vous le jure monsieur le Président.
 
D’ailleurs ces exemples, présentés par  J.P. Marat, se passent en Angleterre et il y a environ 400 ans. C'est fini, la preuve : Brexit……

 

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