L’AMI DU PEUPLE (2)
Jean-Paul MARAT
« Marat ne met pas en cause la nécessité d'un gouvernement, mais il incite à la méfiance vis à vis de celui-ci. Evidemment c'est gênant. Dans les Chaînes de l'esclavage il décrit les mécanismes qui sont employés pour asservir un peuple, description qui n'a rien perdu de son actualité. Certes, il y a des différences par rapport à l'époque où Marat a vécu, il y a des progrès indéniables. Et pourtant, beaucoup de ses observations sont toujours valables. » (Jörg Ahrens, Königsberger Straße 32, 31226 Peine)
http://www.jpmarat.de/francais/index.html
Voici des articles du journal « L'Ami du Peuple », regroupés dans trois collections :
Source: Charles Simond, Marat. Ed. L. Michaud, Paris 1906.
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Un article du journal « L’Ami du peuple », n°28 du 8 octobre 1789 qui n’a rien à voir avec l’actualité évidemment…
LE GOUVERNEMENT EST L'ENNEMI DU PEUPLE
Il est une vérité éternelle dont il est important de convaincre les hommes : c'est que le plus mortel ennemi que les peuples aient à redouter, est le gouvernement. A la honte éternelle des princes de la terre et de leurs ministres, presque toujours les chefs qu'une nation se choisit pour assurer sa liberté, ne songent qu'à lui forger des fers ; presque toujours les mains, auxquelles elle a remis le soin de sa félicité, ne s'occupent qu'à consommer son malheur. Telle est l'ardeur de la soif de dominer que les hommes les mieux famés lui sacrifient jusqu'à leur réputation. Vous l'avez vu ce monstre autrefois populaire, jaloux de commander, oublier la justice, le devoir, l'honneur, presser continuellement le travail sur les impositions et le rétablissement du pouvoir exécutif, c'est-à-dire du pouvoir de la tyrannie, pousser le prince à n'accorder qu'à cette condition son consentement aux décrets de l'Assemblée nationale et à se montrer en despote. Vous les avez vus pareillement, ces hommes petits et vains que nous avons honorés de notre confiance, oublier au bout de quelques jours qu'ils dépendent de nous, s'ériger en tyranneaux, et pousser la folie jusqu’a vouloir maltraiter leur maître avant que l'Ami du peuple les remît à leur place.
O mes concitoyens (1), hommes frivoles et insouciants, qui n'avez de suite ni dans vos idées, ni dans vos actions, qui n'agissez que par boutades, que pour chasser un jour avec intrépidité les ennemis de la patrie, et qui le lendemain, vous abandonnerez aveuglément à leur foi, je vous tiendrai en haleine, en dépit de votre légèreté, vous serez heureux, ou je ne serai plus.
(1) Je vous dis parfois vos vérités un peu durement, mais je ne vous aime pas moins; vous venez de vous montrer en hommes; oubliez pour toujours les parasols et les parapluies; vivons tous en frères : notre force est dans notre union; que la couleur de l'habit ne nous divise jamais; et ne nous séparant plus de l'armée, dont le brave régiment de Flandres vient de montrer le patriotisme, nous serons invincibles. Quant à nos braves gardes nationales, autrefois gardes françaises, sous quelque nom qu'ils paraissent, ils sont toujours nos bons amis, nos intrépides défenseurs. Les voilà remis en possession de la garde de notre bon roi! Je suis enchanté d'y être pour quelque chose. (Note de Marat.)