DIANE DE POITIERS (5)
La joute de trop
Les trompettes sonnent, les deux chevaliers se ruent l'un vers l'autre, aucun d'eux n'est désarçonné, normalement le combat doit s'arrêter là.
C'est sans compter sur l'entêtement du roi qui exige un second affrontement... Vieilleville, l'écuyer du roi, le prie d'interrompre "Sire je jure le Dieu vivant qu'il y a plus de trois nuits que je ne fais que songer qu'il doit vous arriver quelque malheur aujourd'hui, ce dernier juin vous est fatal. Vous en ferez comme il vous plaira." De nouveau, Montgommery supplie le roi qui refuse. Il désire conclure.
Sous le choc violent, la lance de Montgommery se brise, la partie pointue glisse sous la visière du roi, crève l'œil et se fige dans le cerveau ... Il resta en selle mais s'affaissa sur l'encolure de son destrier. Ses écuyers l'entendirent murmurer "je suis mort", puis du casque que l'on venait de lui ôter, jaillit un flot de sang. Dans les tribunes Catherine s'était évanouie. Diane, statufiée, regarda le corps de son amant passer sur une civière, quelles pensées la traversaient à cet instant, amour ou intérêt? Le roi respirait encore, on le transporta en son château des Tournelles qui était à deux pas de là. Au prix d'un effort surhumain il refusa toute aide et monta seul les escaliers, simplement soutenu par des proches. Il désirait mourir en roi. On le coucha sur le lit et on lui aspergea les mains de vinaigre. Catherine et Diane sanglotaient.
L'homme de la situation
Ambroise PARÉ que l'on était allé chercher arriva dans une pièce où les médecins présents, sous les hurlements du roi qui jusqu'alors ne s'était jamais plaint, retiraient de longues échardes de bois, puis pansaient les cicatrices avec du blanc d'œuf.
Après examen de la blessure il se fit apporter la lance et expliquer minutieusement les circonstances. Il demanda alors à la reine de faire exécuter sur le champ, trois ou quatre prisonniers, condamnés à mort et de lui livrer les cadavres. Pendant ce laps de temps il s'entoura de ses élèves, lorsque les cadavres encore chauds arrivèrent, se saisissant d'une lance brisée semblable à celle de Montgomery, il l'enfonça violemment dans l'œil du premier cadavre ne recréant pas la même blessure, puis ce fut au tour du deuxième, puis du troisième qui fut défiguré sans avoir été atteint à l'œil. Tout le monde observait en silence, Paré se concentrait. Les élèves au premier rang, comme dans un cours d'anatomie attendaient la réussite du maître. Au second plan, les nobles en habits de fête, brocarts et joaillerie pendantes attendaient, figés sur place par l'ampleur que prenaient les choses. Le roi gémit. Se ressaisissant, Paré, sur de lui, enfonça la pointe dans l'œil et réussit son coup. La blessure était identique. Introduisant un doigt, il fouilla scientifiquement l'intérieur puis déclara solennellement "le cas du roi est désespéré".
L'après
Dans l'heure qui suivit les paroles d'Ambroise Paré, Catherine fit interdire la présence de Diane dans la chambre du roi. Celle-ci prudemment, connaissant l'expérience du pouvoir, sachant que sa vie pouvait être en jeu, se gardera bien de paraître à la cour, pour quelques jours plus tard, aller prendre l'exil en son château d'Anet. De là, elle envoya une lettre demandant pardon à Catherine pour toutes ses offenses et turpitudes passées, elle y joignait une cassette contenant les bijoux "indûment gagnés".
Catherine n'avait aucune bassesse, elle agit royalement, laissant à Diane tous ses biens, sauf Chenonceau qui faisait partie du domaine royal, et à ce titre, légalement inaliénable. En échange elle lui offrit Chaumont avec ce commentaire perfide "Elle faisait les délices de mon mari, j'ai honte de reprendre Chenonceau, je lui donne Chaumont". Catherine était une fille trop intelligente et calculatrice pour ignorer que la haine est mauvaise conseillère. L'ennemi d'aujourd'hui sera peut être l'indispensable allié de demain.
Toutefois, reprenant pour son compte le monogramme, accréditant ainsi la thèse du "C" retourné, Catherine, fit graver ce monogramme sur le tombeau commun, Ce qui eut pour conséquence de frustrer de ce symbole la concurrente Diane qui pourtant se l'était déjà approprié pour son compte personnel.
Montgomery, inquiété malgré les ordres du roi, fut relâché, ayant peur il alla se réfugier en Angleterre où il devint chef protestant. Revenu en Normandie qu'il ravagea, il y fut arrêté et décapité comme rebelle, place de grève.
Catherine, tellement dépitée par la mort du roi qu'elle aimait, ne put plus regarder le château des Tournelles. Plus tard elle le fit raser.
Selon la mode du temps elle choisit pour symbole une lance brisée avec pour devise "Lacrymae hinc, hinc dolor" (De là viennent mes larmes et ma douleur).
Un peu plus tard, au sujet des détournements de la gabelle ayant eu lieu pendant le règne du feu roi Henri II, elle poursuivit Diane par personne interposée. Diane se sentit visée, Guépréau était de ses contacts au trésor, il fut condamné à mort, mais la reine fit savoir qu'elle seule détenait le pouvoir d'exécution et condamnait Diane à verser au trésor le montant des sommes détournées. Catherine jubila car elle savait que Diane aimait infiniment plus l'argent que l'amour, et surtout que le sieur Guépréau.
Par cette perfidie, elle se rappelait royalement aux bons souvenirs de sa rivale. Ce jeu du chat et de la souris, qui sait, aurait peut être continué si Diane ne s'était éteinte peu de temps après, en 1566.
Claude Saint Etienne
Éléments puisés sur les écoutes radio ainsi que dans l'excellent livre de Jean Orieux "Catherine de Médicis"