PARTAGER LE TRAVAIL

Publié le par N.L. Taram

Partager le travail devenu une ressource rare
 
"La durée du travail (mesurée en nombre d'heures effectuées par an) s'est réduite environ de moitié en un siècle. Cette réduction du temps de travail a été obtenue le plus souvent contre le gré des employeurs, par l'action syndicale, par l'intervention des pouvoirs publics ou par les deux à la fois. La réduction collective du temps de travail s'est effectuée en général sans perte de salaires, les gains de productivité permettant à la fois son financement et celui d'une progression quasi continue du pouvoir d'achat."
Dominique Taddéi - Les Rapports du Conseil d'analyse économique , n° 1 - 1997 - Documentation française

Si l'on compare les pays industrialisés à la situation dans laquelle ils se trouvaient, il y a 100 ou 150 ans, on ne peut que constater les énormes gains de productivité qui ont été réalisés et qui ont permis une réduction importante du temps travail et une amélioration du niveau de vie.

Dans les entreprises, chaque gain de productivité a deux conséquences possibles, chacune d'elles pouvant prendre des formes différentes. Ainsi, un gain de productivité peut conduire à :
  • 1) une baisse du volume de travail nécessaire :
    • 1.1) au profit du salarié qui, pour une même rémunération, pourra travailler moins longtemps. Il y a donc moins d'heures travaillées pour chacun.
       
    • 1.2) au profit de l'actionnaire qui verra ses bénéfices s'accroître car il aura besoin de moins de charges de personnel pour réaliser la même production. Conséquences : maintien de la durée du travail pour les uns et perte d'emploi pour les autres. Les actionnaires pourront alors investir dans de nouveaux produits innovants ou des produits réalisés avec une meilleure productivité qu'auparavant.
  • 2) une amélioration du niveau de vie :
    • 2.1) au profit du client si l'entreprise répercute les gains de productivité en baissant ses prix. Cette augmentation du pouvoir d'achat va favoriser soit l'épargne en vue d'une consommation future, soit la consommation immédiate, elle-même génératrice de moyens de production nécessitant de nouvelles heures travaillées.
       
    • 2.2) au profit du salarié si l'entreprise augmente les salaires sans diminuer la durée du travail. De même que le client dans le cas 2.1, le salarié pourra alors épargner ou consommer.
Dans les cas n°1.2, 2.1 ou 2.2, la masse salariale (c'est-à-dire le temps de travail) disponible pour l'amélioration du niveau de vie ne sera égale qu'à une fraction de celle économisée par le gain de productivité.

Prenons, à titre d'illustration, un exemple simple dans une société développée comme la celle de la France :
Une société fonctionne avec un volume de travail nécessaire égal à 1000 unités. Un jour, un gain de productivité (une invention ou une nouvelle méthode de travail) apparaît et fait économiser 10% du temps de travail nécessaire. Sur les 100 unités de travail économisées, supposons que la moitié soit réinvestie dans l'amélioration du niveau de vie (donc, au final se transformera en travail) et l'autre moitié consacrée à la diminution du temps de travail.
Il restera donc 900 + 50 = 950 unités de travail.

Si un deuxième gain de productivité de 10% intervient (soit 95 unités) et qu'il est réparti dans les mêmes proportions que précédemment entre amélioration du niveau de vie et diminution du temps de travail, il restera :
855 (90% de 950) + 47,5 = 902,5 unités de travail.

Et ainsi de suite,.
A la dixième itération, il ne reste plus que 600 unités disponibles !

Le volume de travail nécessaire pour faire fonctionner la société a tendance à diminuer. La durée annuelle du travail est passée de plus de 3000 heures dans la seconde moitié du XIXe siècle à environ 1500 heures actuellement. Certains disent qu'on pourra toujours innover, inventer de nouveaux produits, de nouvelles activités, mais pour utiliser ces produits ou pratiquer ces activités, il faut du temps et les journées n'ont que 24 heures. Les nouveaux produits finissent par prendre la place des produits existants. Il n'y a qu'à voir les objets qui ne sont plus utilisés et qui encombrent nos placards avant de finir un jour à la décharge publique. C'est aussi le cas, par exemple, des ordinateurs personnels dont l'usage s'est développé au détriment du temps passé devant la télévision, et qui seront peut-être un jour supplantés par les smartphones.

Il nous faut donc prendre en compte cette baisse inexorable du temps travaillé, que l'on ne voit malheureusement augmenter qu'après une guerre pour reconstruire une économie en ruine ou après une catastrophe naturelle ou engendrée par l'activité humaine, mais chaque fois après beaucoup de sang et de larmes.

Doit-on, comme c'est en général le cas, vivre dans une société où certains travaillent beaucoup et d'autres pas ou très peu, dans la logique inégalitaire du "travailler plus pour gagner plus" qui est un contre sens historique. Les hommes politiques devraient s'emparer sérieusement de cette question et proposer un nouveau contrat social basé sur le droit fondamental au travail pour tous. Il y a beaucoup à faire en la matière.

 
Pierre Tourev, 12/11/2011
 
Propositions pour une meilleure répartition du temps de travail
Travailler moins pour que tout le monde puisse travailler

Doit-on, comme c'est en général le cas, vivre dans une société où certains travaillent beaucoup et d'autres pas ou très peu, dans la logique inégalitaire du "travailler plus pour gagner plus" qui est un contre sens historique. Les hommes politiques devraient s'emparer sérieusement de cette question et proposer un nouveau contrat social basé sur le droit fondamental au travail pour tous. Il y a beaucoup à faire en la matière.

Propositions :
  • Suppression des exonérations fiscales en faveur des heures supplémentaires.
    Non seulement, elles coûtent à l'Etat (entre 4 et 5 milliards d'euros par an), mais elles privent de travail ceux qui se trouvent au chômage et qui auraient pu accomplir ce travail. Il faudrait, au contraire surtaxer les heures supplémentaires pour inciter à l'embauche de nouveaux salariés.

     
  • Développer le recours au chômage partiel en cas de crise, plutôt qu'à des licenciements secs.
    Ce dispositif a montré son efficacité en Allemagne en 2009. Il permet aux salariés de conserver leur emploi et aux entreprises de redémarrer plus rapidement leur activité quand la demande repart.

     
  • Aller résolument vers les 32 h de travail par semaine.
    Contrairement à ce que dit la droite, le passage aux 35h a permis de créer 350 000 emplois (source INSEE) et d'absorber une population active plus importante. Le PIB n'a pas baissé en France car les salariés ont été plus productifs. Le passage aux 32h pourrait se faire avec des formules et une vitesse adaptées à chaque secteur d'activité, avec une meilleure représentation des chômeurs dans les négociations collectives, ainsi que des aides de l'Etat conditionnées par des recrutements et financées par la baisse des versements d'allocation aux chômeurs provoquée par la diminution du chômage.

     
  • Supprimer l'appel à l'immigration choisie.
    L'immigration choisie est une forme de concurrence déloyale, en faisant travailler pour un moindre salaire une personne venue de l'étranger et pour qui c'est une aubaine. La loi du marché doit aussi s'appliquer pour les travaux "dont les Français ne veulent plus". En augmentant ces salaires significativement, ils finiront par trouver des preneurs. La pénibilité a un prix.

     
  • Développer les congés rémunérés.
    Comme par exemple les congés parentaux qui éviteraient aux parents de recourir aux structures de garde d'enfants et permettraient aux hommes de prendre leur part de travail parental. Rémunérés à 70% du salaire initial, ces congés permettraient de ne pas rompre le contrat de travail, mais seulement de le suspendre. Son coût aurait pour contrepartie une économie dans les dépenses de structure des gardes d'enfant ainsi qu'une baisse de l'indemnisation des chômeurs, car une majorité des personnes en congé parental seraient remplacées par des créations d'emploi, certes temporaires, mais favorables à l'employabilité des personnes ainsi recrutées.

     
  • Encourager la sortie du salariat, à partir d'un certain âge, pour tous ceux qui ont les moyens de vivre sans travailler.
    L'incitation à quitter son emploi et à laisser sa place à des plus jeunes ou à ceux qui n'ont pas d'emploi pourrait se faire par un alourdissement de l'impôt sur le revenu. Celui-ci serait augmenté en fonction de l'historique des revenus du contribuable. Plus il a cumulé des revenus dans sa vie, plus fort serait son taux d'imposition pour les salaires perçus chaque nouvelle année. Ce taux d'imposition dissuasif sur les revenus du travail pourrait être également lié au niveau de la fortune.
Pierre Tourev, 13/11/2011

http://www.toupie.org/Textes/Repartition_travail.htm

Publié dans Société

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